Napier-Rapier             

Napier Sabre

janvier 1938 Nexcelle-Inverseur de poussee c919

Vue d'un moteur Napier Sabre II (photo : Jane's fighting aircraft of World War II John W.R. Taylor) Moteur Napier Sabre II, 24 cylindres en H, compresseur mécanique centrifuge à deux vitesses et commande hydraulique (ratio de réducteur 4,68:1 basse vitesse, 5,83:1 haute vitesse), puissance de 2.400 ch.

Le Napier Sabre était un moteur 24 cylindres en H (deux douze cylindres à plat superposés) d'une cylindrée de 36,70 litres (alésage de 127 mm pour une course de 120 mm) et d'une puissance maximale de 2.000 ch pour un Sabre I, 2.500 ch pour un Sabre II (puissance de secours possible de 3.000 ch pour ce modèle) et de 3.500 ch pour l'ultime version en 1946. Sa puissance au litre atteignait 95,40 ch, son poids à sec était de 1.135 kg pour un modèle VA, la longueur étant de 2,089 m, la largeur 1,016 m et la hauteur 1,168 m pour ce type. Ce propulseur, descendant du Lion (douze cylindres en trois rangées, refroidissement liquide), du Rapier (seize cylindres en H vertical, refroidissement par air, 395 ch) et du Dagger (24 cylindes en H vertical, refroidissement par air, 1.000 ch) fut principalement monté sur le Hawker Typhoon d'attaque au sol et sur le rapide chasseur-bombardier Hawker Tempest (versions Mk. I et Mk. V).

Sir Sidney Camm (1893-1966), ingénieur et concepteur chez Hawker conçut vers 1933 le Fury II sur les bases de l'appréciable Fury I, monoplan des années 1925. Ce nouvel appareil allait devenir vers 1937, le fameux Hurricane à moteur Rolls-Royce Merlin, contemporain heureux du Spitfire Mk. I/Mk. VB, qui allait s'illustrer glorieusement pendant la bataille d'Angleterre en 1940.

Vers la fin des années 1930, la R.A.F. émis une spécification pour un nouveau chasseur d'assaut de la classe des cinq tonnes capable de voler en croisière à plus de 500 km/h, d'offrir un taux de montée comparable à celui d'un appareil de voltige et surtout de pouvoir emporter un armement de mitrailleuses et de canons. De plus, cet avion devrait aussi être apte aux opérations de bombardement léger, donc être muni sous les ailes de deux ou quatre bombes.

Hawker fut chargé de l'étude et Sir Sydney Camm (1893-1966) ressortit de ses plans un projet de chasseur-bombardier baptisé Tornado. Il fut vite évident qu'un propulseur d'au moins 2.000 ch était nécessaire et qu'il devait impérativement offrir un encombrement minimum, ainsi qu'une surface frontale la plus basse possible. Le seul moteur alors existant était le nouveau Bristol Hercules, engin solide de plus de 2.000 ch, mais hélas, sa conception en étoile ne convenait pas à l'installation dans une cellule très fine telle que celle dessinée pour le Tornado. On se tourna vers la firme Napier connue pour ses créations éprouvées parmi lesquelles l'excellent Napier Lion produit dès 1925.

En collaboration avec Hawker, Napier étudia un nouveau moteur qui allait devenir le fameux Sabre. D'une conception originale, il ouvrait une voie nouvelle. Afin de respecter l'encombrement, on eut recours à la solution compacte d'un étage de douze cylindres à plat disposé en ligne surmonté d'un deuxième de même nature, architecture pour la première fois réalisée d'un moteur en H placé horizontalement. Pour disposer d'une puissance d'au moins 2.000 ch, on étudia une forte cylindrée de plus de 36 litres. De plus, pour pouvoir entraîner une machine lourde avec des performances élevées, un haut rendement unitaire en matière de couple était requis, il fut alors choisi le type suralimenté par compresseur mécanique à double étage, les cylindres sans soupapes, la distribution par chemises louvoyantes, le tout agrémenté d'une construction surdimensionnée en matière de résistance de toutes les pièces mécaniques.

Très vite, après quelques réglages et modifications mineures, le Sabre développa 2.200 ch et procura un excellent rendement dès les bas régimes où déjà le couple maximal était présent à 60% vers 1.500 tr/min. C'était le premier moteur à haut rendement développant une puissance unitaire au litre de plus de 90 ch soit environ 20 à 30% de plus que les moteurs d'égale cylindrée et régime identique alors existants.

Ce fut un succès en regard des exigences de Hawker et de la R.A.F., mais des problèmes de fiabilité survinrent vite alors que les utilisateurs étaient ébahis par les performances. En premier lieu, le Sabre nécessitait dix heures de maintenance pour cinq heures de fonctionnement, ce qui devenait inacceptable, la norme étant alors, de cinq heures de maintenance pour trente heures d'utilisation. En deuxième lieu, il était fréquemment victime de coupures intempestives en vol ce qui s'avéra parfois tragique. La cause était une carburation sous évaluée qui provoquait un encrassement prématuré des 48 bougies qui devaient être changées après seulement cinq heures de fonctionnement. Par ailleurs, les chemises louvoyantes étaient peu fiables et demandaient un échange toutes les vingt heures d'utilisation, ce qui nécessitait un démontage complet du moteur, d'où des taux élevés d'indisponibilité. Aussi, le circuit de refroidissement se montrait vite inadéquat du fait de son faible volume.

Napier ne tarda pas à réagir, il fut décidé de se fournir pour les chemises louvoyantes chez Bristol qui maîtrisait la technique des moteurs sans soupapes et fabriquait des moteurs en étoile de ce type. La fiabilité de ces éléments passa à 200 heures, la carburation fut modifiée et un nouveau système de refroidissement fut adapté. Au fil du temps, mais très vite, ces maladies de jeunesse firent place à une machine au point et sécurisante. Cela ajouté aux qualités de base de la fabrication en fît un moteur très rapidement apprécié des pilotes et des mécaniciens.

Le Typhoon, issu du prototype du Tornado et doté du Sabre, devint la terreur des ennemis de part sa puissance de feu destructrice alliée à des vitesses époustouflantes d'évolution. Il se distingua en particulier en Normandie, vers la ville de Falaise (bataille appelée Poche de Falaise) peu de temps après le débarquement du 6 juin 1944 où il réduisit de façon ambitieuse des groupes de chars qui menaçaient l'avance Alliée.

Mais déjà, le successeur du Typhoon sortait des ateliers Hawker, il s'agissait du Tempest. Plus lourd encore, environ sept tonnes, plus grand, il reprenait toutes les qualités de son aîné avec en plus une vitesse de pointe accrue, un armement renforcé et des possibilités de montée en chandelle encore plus évoluées. Le Napier Sabre devint Sabre II, plus puissant, disposant de 2.500 ch, encore fiabilisé, il offrait un dispositif de secours permettant d'augmenter momentanément la puissance jusqu'à plus de 3.000 ch par injection d'un mélange d'eau et d'éthanol. Ce système apporta dans bien des cas le salut à des pilotes, confrontés à des chasseurs rapides du type Focke-Wulf 190, mais également des succès considérables dans la poursuite et destruction des fusées V-1 qui volaient avec leur charge mortelle vers Londres à des vitesses supérieures à 800 km/h.

Au fil des diverses applications du Sabre, à l'unanimité des pilotes, son point faible résidait dans des pertes de puissance aux hautes altitudes. Cela s'explique aisément par le fait que ce moteur fut conçu du départ comme à alimentation atmosphérique puis équipé ensuite d'un compresseur mécanique pour offrir le maximum de couple à bas régime. Cette caractéristique de fonctionnement du Sabre permit aux Typhoon et Tempest de devenir de redoutables avions d'assaut à basse altitude qui causèrent des dégâts dont l'ennemi ne résista guère longtemps.

Grâce à son formidable couple, allié à une puissance de 2.500 ch à 3.000 ch, le Sabre permettait à un Tempest de sept tonnes des montées fulgurantes en chandelle sur un plan presque vertical pour échapper à la poursuite d'un Fw 190 plus léger mais aussi plus lent. Ayant fait demi tour à l'insu du poursuivant, le Tempest était capable d'un piqué à 900 km/h pour revenir le mitrailler. Ces survitesses de nature à endommager tout autre moteur n'altéraient en rien la résistance du Sabre. Après bien des victoires, une aura peu commune, une version peu diffusée du Sabre fut développée après les hostilités vers 1946/1947. Cet ultime Sabre culminait à une puissance de 3.500 ch, mais il était alors dépassé par un nouveau rival, le Bristol Centaurus en étoile. Ces propulseurs firent partie de la dernière génération de moteurs à pistons et atteignirent les limites maximales de performances possibles, ils furent remplacés par les turbopropulseurs. Napier abandonna la construction des Sabre, Bristol celle du Centaurus et cette machine hors du commun entra dans la légende.

Un exemplaire de Napier Sabre II, est en état de fonctionnement sur banc, au musée Hawker en Angleterre. De même, un collectionneur privé britannique de Cambridge est le très rare propriétaire d'un Tempest Mk. V en état de vol. Contrairement à ses contemporains de l'époque dont il existe des dizaines de modèles préservés et utilisés lors de meetings historiques, le Sabre a pratiquement disparu. Toutes les productions de l'époque ont été ferraillées, il existe à ce jour moins de cinq moteurs Sabre conservés et répertoriés dans le monde. Aucun n'est connu comme en état de fonctionner, de même ceux qui équipent les différents avions Typhoon et Tempest rarement exposés dans les musées du globe. Récemment, une association anglaise à entrepris la restauration d'une épave de ce moteur pour une remise en fonctionnement. Déjà, le coût global de manufacture personnalisée des pièces mécaniques, puis leur assemblage par des vétérans et spécialistes selon les normes de l'époque constitue un prix de 200.000 euros.


- En complément, vue générale d'un moteur sans soupapes Napier Sabre II A (1943), avec les échappements placés entre les deux blocs de douze cylindres, vue de la face avant de ce propulseur, et face arrière avec le compresseur mécanique. Musée de l'Air et de l'Espace du Bourget, avril 2019.

Le document d'origine de ce texte a été aimablement fourni par Richard Marciniak (février 2006).

Retour partie aviation/return to the airplane part Index  Table des matières/table of contents Moteurs à pistons/piston engines